Loading
Jan 16, 2017

Leurs Paris : Camille

Camille – Graphiste, 25 ans

Dès que je franchis la porte de son appartement, elle accourt vers moi pour me prendre dans ses bras, avec sa joie et enthousiasme. Elle me demande comment je vais depuis  la dernière fois, avec cette bienveillance qui lui est caractéristique. On s’installe confortablement dans son canapé, avec mon appareil photo en main, elle commence à me raconter sa vie à Paris, encore nouvelle à l’époque.

Leurs Paris - Camille Bulbeuse

 

Leurs Paris - Camille Bulbeuse

 

J’ai vécu à Bruxelles ces 7 dernières années. Je venais de rentrer de Paris. À l’époque j’étais graphiste freelance et je travaillais sur un projet d’Escape Room avec des amis, à Strasbourg Saint-Denis. Ma vie était du coup divisée entre les deux capitales mais je commençais sérieusement à avoir le mal du pays. Ma colocation venait de prendre fin et j’avais ce grand appartement bruxellois pour moi toute seule, en attendant de trouver autre chose. J’étais plutôt au fond du trou, je tournais en rond sans but en espérant trouver des solutions professionnelles pour rentrer en France, je m’éloignais malgré moi de mes amis belges.
J’ai passé près de 100 coups de fil ce soir là
Le 13 novembre au soir, je venais de rentrer de Paris. Je zonais sur Twitter en mâchant maladroitement des trucs chopés sur le trajet de la gare. Puis j’ai commencé à lire des gens paniqués qui m’ont alarmée. Doucement au début. Le stade de France ça pète parfois, quand des supporters d’équipes opposées se retrouvent face à face. J’ai suivi la chose malgré tout. Puis c’est allé hyper vite. J’ai passé près de 100 coups de fil ce soir là, la plupart de mes amis habitant dans le 20ème et 11ème. Je leur hurlais en sanglot de ne pas sortir de chez eux, certains ne comprenaient pas vraiment et devaient sans doute penser que j’en faisais des caisses. Ils étaient parfois en soirée, ou dans des bars.

 

Au final j’arrive presque à apprécier les broutilles qui me nuisent, ça permet de se rendre compte que l’on avance.

Je crois qu’il nous a fallu quelques mois avant de réaliser ce qui s’était vraiment passé. On s’est tous recueilli dans la douleur et le silence, on a fait notre pèlerinage et nos deuils. Dire qu’on n’a pas peur serait mentir, évidemment qu’on sursaute, évidemment qu’on se pose des questions. La vie reprend son cours et nos petites habitudes aussi. De mon côté j’ai eu un emploi à Paris en janvier, rien ne m’a empêché de retourner ici. Au contraire, l’isolement lors de ce cauchemar, loin de mes proches blessés, a été un traumatisme supplémentaire. Vivre ça seule avec personne à qui en parler, ça a été terrible. On a sans doute tendance à plus apprécier les petits instants, on sait que c’est une chose à laquelle on doit s’habituer. Il faut aller de l’avant, ne pas se laisser freiner par la terreur. Au final j’arrive presque à apprécier les broutilles qui me nuisent, ça permet de se rendre compte que l’on avance.

 

Leurs Paris - Camille Bulbeuse

 

Leurs Paris - Camille Bulbeuse

 

Leurs Paris - Camille Bulbeuse

 

Leurs Paris - Camille Bulbeuse

 

Le Klay (2ème)

Je me suis inscrite au Klay pratiquement dès mon arrivée à Paris, sur les conseils de plusieurs amis déjà abonnés. J’essaie d’y aller le maximum possible après le boulot, dès que je passe les grandes portes coulissantes je me sens immédiatement apaisée, plus rien n’existe. C’est un peu mon coin perso, là où je vais quand j’ai besoin d’une coupure nette, j’y reste toujours plus de trois heures, le temps flotte là-bas. Il me fallait un lieu qui aille au-delà de la salle de sport, un endroit où aller me reposer, me recueillir, prendre soin de moi et me recentrer un peu sur mes priorités. Je savais qu’à Paris je me retrouverai sans doute un peu débordée à ne plus trop savoir où donner de la tête, et c’était important à mes yeux d’avoir accès à quelque chose de beau et d’apaisant, surtout après les périodes usantes des mois précédents. C’est évidemment un budget mais ça me permet de garder le cap et de me dépenser quand bon me semble dans un endroit où je me sens en sécurité. C’est un cadeau de moi à moi, un cocon.

Son Twitter

Leurs Paris, le projet

Leave a comment