Sirens, le 2ème album solo de Nicolas Jaar sortait fin septembre et promettait enfin une tournée qu’on attendait depuis 5 ans. Et il n’a pas fallu une demi-heure avant que la date à l’Ancienne Belgique n’affiche ‘sold out’.
Sirens, 2ème album solo
Alors on s’imprègne de son dernier LP, on évite de trop lire les derniers articles publiés sur sa tournée – qui a déjà débuté aux États-Unis, et on essaie de partir sans aucune spéculation le 1er décembre. La salle est noyée dans la lumière rouge vaporeuse, et les silhouettes la remplissent petit à petit, encore et encore.
La salle tombe dans le pénombre et on voit une silhouette dans le noir. Premiers sons émis et les premiers cris retentissent. Le producteur new-yorkais comme pour peser ses mots, pèse ses notes, débute lentement son histoire, sans se précipiter, comme s’il mettait en place les décors. On oublie l’espace d’un temps, de quatre temps, d’ouvrir les yeux, la tête dans les étoiles – la gravité n’existe plus que dans les basses, dans l’obscurité où son piano réverbère dans nos silences retenus par le souffle de l’attente.
Avec ses nappes et sa voix, il nous promène et nous conduit doucement à Killing Time, premier titre de son tout nouvel album. Il s’empare sous nos regards surpris de son saxophone qu’il fait vibrer jusqu’à faire apparaître sa première nymphe, (The Three sides of) Audrey, que l’on reconnaît pour ses chants laconiques et presque cantiques. Il s’adonne à son piano pour nous amener encore ailleurs, là on ne l’attendait pas, jusqu’à nous infiltrer Variations, un titre de son premier album, Space is only noise, tout en lui ajoutant ses percussions boisées au rythme latino – une autre signature de la part de ce compositeur originaire de Chili. Le public se laisser emporter par les boucles qui prennent des allures de Club Capital (issu de son album B.O. Pomegrenates.) La tension mente d’un cran, Nicolas pause à nouveau ses notes, et Audrey revient, sous sa face B, No one is looking at U. Et avant que le temps suspendu ne redescende, il se pose habilement sur les mélodies langoureuses de No. Sans comprendre comment on en est arrivés là, on se laisse emporter par ses paroles latines, les mêlant à nos cris de joie.
Il nous ralentit, pour mieux nous faire savourer l’ivresse, et l’arrivée imminente de Swim, sa deuxième nymphe, que l’on connaît explosive, surtout vu l’envolée que Nicolas compte apparemment lui donner. On plonge, nage dans ses vagues de mélodies qu’il rallonge, amplifie, et avant que la dernière goûte de Swim ne tombe, les notes électriques de Three sides of Nazareth arrivent en puissance et on comprend alors qu’il ne compte pas s’arrêter d’ici tôt. On approuve, on s’exclame, on se délecte et on le voit ainsi lier Nazareth au Fight, Fight au The Governor, avec une intensité qui n’en finissait pas, et une musicalité éblouissante. « On danse sur sa paume », il nous fait passer de la mélancolie à l’euphorie, de l’attente au déferlement, comme lui seul entend. Et quand on pense atteindre le sommet du concert, qu’il va nous guider avec son saxophone doucement vers la fin de son histoire, il nous revient en puissance avec Space is only noise if you can see. Une énorme claque de l’entendre là, toujours aussi hypnotisante et si différente aujourd’hui, 5 ans après.
Deux rappels, où en quelques minutes Nicolas Jaar parvient à nous envahir avec tout un groove qui lui va toujours à ravir, avec les sample de It’s Me Oh Lord, qu’il nous a déjà livré dans son très légendaire BBC Essential Mix en 2012. Il tente de calmer la foule prête à le rappeler une troisième fois, sur une note plus nostalgique de Time for us de ses années 2010. La lumière s’allume, comme pour fermer le rideau à l’envers, où on rebrousse chemin à la réalité. Le live venait de prendre fin et on avait du mal à y croire. Que c’était déjà fini. Que ça faisait déjà deux heures. C’était de loin le meilleur qu’on ait vu cette année. Voir plus.
Des jours passent, les moments ressurgissent, des mélodies vibrent encore dans les oreilles, comme si on en était encore enivrés. On réécoute les EP et les titres qu’on a reconnus, qui avaient pris des allures tellement différentes sous ses mains, durant ce live. Comme dans ses Dj set, il avait sillonné entre les genres et traversé leurs frontières avec un naturel et une habileté qui dépasse tous les codes et règles de la musique électronique. Darkside (collaboration avec Dave Harrington), les 3 Nymphs en EP, la B.O. expérimentale et Sirens, rien a été délaissé dans son histoire. Après 5 ans, Nicolas Jaar ne revenait pas juste avec son LP, mais avec tout ce qu’il avait enregistré en lui, pour les associer en live, avec la liberté à l’image de ses expériences. Et c’était juste unique. Comme sa musique.
Et voici une petite playlist pour avoir un aperçu rapide de la discographie de Nicolas Jaar pour ceux qui ne le connaissent pas.
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